Arrivée au Tchad le 10 mai 1996, c’est 26 ans plus tard presque au jour près, le 9 mai 2022, que j’ai quitté ce pays qui m’est devenu très cher, et beaucoup d’amis auxquels je me suis attachée. Au moment de tourner la page pour entrer dans de nouveaux défis en Europe, c’est l’occasion de me rappeler de la bonté et de la fidélité de Dieu tout au long de ce parcours.
J’ai passé les huit premières années à l’orphelinat d’Abéché, à l’est du pays, où j’ai eu le privilège d’apprendre cette belle langue qu’est l’arabe, de découvrir une toute nouvelle culture, des habitudes qui m’étaient inconnues, et surtout de m’attacher à des personnes avec qui, pour certaines, le contact est resté jusqu’à aujourd’hui. Au travers du suivi des enfants orphelins de mères, de visites dans les familles en brousse, de formations pour les accoucheuses traditionnelles, c’était l’occasion d’aider la population avec mon métier, et aussi de transmettre l’espérance que nous avons en Jésus, et je ne peux pas compter le nombre de fois où j’ai raconté l’histoire du fils prodigue au clair de lune dans un village reculé, devant la moitié du village rassemblé, écoutant attentivement la Bonne Nouvelle.
Arrivée à Am Sinéné en 2004 pour un remplacement de quelques mois, j’y suis restée…18 ans avec un engagement bien varié : soins de base au dispensaire, visites au village et dans les environs, accompagnement de jeunes dans leur vie et leur marche avec Dieu, enseignements divers, transmission de la vision missionnaire, accompagnement de personnes qui souffrent à cause de leur foi, aide pour la mise en route et le fonctionnement de l’école, accueil des gens de passage,… avec une équipe aux multiples facettes au fil du temps.
Ce temps au Tchad était une bonne école de formation pour moi et je suis reconnaissante au Seigneur pour tout ce que j’ai pu y vivre et apprendre. Les défis n’ont pas manqué, mais j’ai pu goûter la fidélité de Dieu qui n’a jamais fait défaut. J’ai découvert l’importance de la prière, seule ou en groupe, avec la richesse et la variété apportée par les uns et les autres. J’ai vu ce que signifie d’être entourée par des frères et sœurs dans les moments de maladie. J’ai pu expérimenter la puissance de Dieu pour sauver et délivrer des personnes, j’ai pu voir la victoire de Christ face aux puissances des ténèbres qui se manifestaient parfois de manière très palpable, j’ai vécu aussi comment Dieu donne force et courage dans des situations parfois difficiles, quand je touchais à mes limites. J’ai appris à prier pour un ordinateur ou un groupe électrogène qui ne fonctionnait plus, et quelle joie quand après la prière et sans aucune intervention humaine, vu mes compétences techniques limitées, ça fonctionne à nouveau ! D’autres fois aussi, j’étais découragée lorsque la voiture s’arrêtait au beau milieu de la route ou quand j’arrivais à la cinquième crevaison en une semaine… J’ai découvert la bonté de Dieu : Il est toujours bon, entièrement bon, et paradoxalement, ce n’est pas lorsque tout allait à merveille que j’ai compris cela, mais bien au milieu de difficultés, de deuils, de défis. Et je sais que Dieu m’a protégée, bien plus que ce dont je suis consciente…
Je bénis le Seigneur pour les personnes qu’Il a mises à mes côtés, des collaborateurs/trices de différents pays, avec qui nous avons pu partager, prier ensemble, s’aider (et m’aider à vider la maison et finir mes bagages avant de quitter…Merci !), nous avons vécu des moments forts ensemble, la guerre, l’évacuation, des deuils, nous avons ri et pleuré ensemble et des liens forts se sont tissés. Je suis reconnaissante pour mes amis Tchadiens de qui j’ai appris l’accueil et l’hospitalité, une autre manière de considérer le temps et les personnes, un engagement avec Dieu et un zèle dans la vie de prière, une capacité à se réjouir et être reconnaissants en toutes circonstances.
Ce qui m’a particulièrement réjouie et encouragée à mon départ, c’est de voir, lors du dernier culte à la petite église d’Am Sinéné, des jeunes que j’avais enseignés comme enfants à l’école du dimanche, en train de diriger la louange, et ça m’encourage de voir une relève. Pour le dispensaire par contre, nous avons dû suspendre les activités en attendant de trouver quelqu’un qui puisse prendre la responsabilité du travail.
Pour mon avenir, les choses sont encore un peu floues, je suis en train de faire un bilan de compétences pour voir dans quelle direction chercher un travail, mais je sais que le Dieu qui m’a guidée au Tchad est le même en Europe et qu’Il a aussi ici des projets de paix et de bonheur pour moi, parce qu’en Lui, il y a de l’avenir et de l’espérance.
Merci à chacun/e de vous pour vos prières et votre soutien durant toutes ces années ; sans vous cela n’aurait pas été possible.
Agathe B.
Une nécessité absolue
Un matin, alors que je venais travailler, j’ai vu qu’il y avait beaucoup de voitures devant l’hôpital. Je me suis dit qu’il avait dû se passer quelque chose pendant la nuit.
Effectivement, un jeune homme blessé était arrivé. Il avait été impliqué dans une bagarre au couteau, quelque chose d’assez courant par ici. Un de ses poumons était touché et il n’allait pas bien du tout. Comme il n’y avait pas de médecin présent à ce moment-là, un infirmier a posé un drain pour aspirer le sang et l’air afin de permettre aux poumons affaissés de fonctionner à nouveau. Il s’est rapidement senti mieux, mais pas question pour lui de se reposer, avec un va-et-vient constant pendant toute la matinée : la police est passé, bien sûr, mais surtout des personnes qui voulaient saluer le jeune. Cette « salutation » est une nécessité absolue ici (elle satisfait aussi la curiosité et enrichit les conversations !) La nouvelle de l’hospitalisation de quelqu’un se répand comme une traînée de poudre dans la ville.
C’est la même chose avec les femmes qui viennent d’accoucher. C’est comme une course à qui viendra saluer en premier. On apporte aux jeunes mères du thé, des biscuits, une bonne bouillie (de blé ou de maïs, avec du sucre et du beurre de cacahuètes) ou même un repas complet. Souvent, il y en a tellement que j’en reçois aussi une portion !
Helen M.
Plus de connaissances, plus de soutien
L’association pour le développement local AJDL (Association Jeunesse Développement Local) a été créée il y a quelques années par Sérach (la femme de Florent) et une petite équipe. Nous soutenons ce projet depuis 2020 dans le cadre de notre travail de formation au sein de ProRADJA’. Sérach nous en parle :
Cette année scolaire, nous avons commencé à utiliser le manuel « Compétences de vie » que SAM global a mis à notre disposition. Il rencontre un grand succès auprès des jeunes, car il traite de sujets qui les concernent vraiment : questions éthiques, religion, sexualité, etc. Entre mars et juin 2022, nous avons pu organiser des cours dans deux écoles avec 525 élèves (234 filles et 291 garçons). Selon les témoignages, cela a été utile pour beaucoup et les a motivés à faire de bons choix.
Le centre de jeunes propose une écoute et une orientation, un accompagnement scolaire et une bibliothèque. La moyenne de fréquentation s’élève à quinze élèves par séance. En février, nous avons lancé une école maternelle de 46 enfants, dans le cadre de l’objectif du projet qui consiste à offrir un soutien à la petite enfance dans les villages isolés. Dans les zones rurales, les écoles sont souvent situées à 5 ou 10 km, ce qui est trop loin pour les petits. Le village a déjà exprimé le souhait que nous commencions une première classe primaire dès la prochaine année scolaire (début en octobre 2022). Les démarches en ce sens sont en cours.
Sérach N. dirige le projet AJDL, qui soutient les enfants et les jeunes dans le sud du pays
Des efforts qui en ont valu la peine
Donner un cours d’informatique en français ? Était-ce une bonne idée ? Certes, nous connaissons assez bien le monde de l’informatique et nous sommes plongés dans français depuis longtemps. Mais lorsque nous nous sommes penchés sur cette question, nous avons réalisé que presque tous les termes du monde de l’informatique ont leur traduction spécifique française, bien plus qu’en allemand où de nombreuses expressions sont simplement reprises de l’anglais. Des mots comme « système d’exploitation », « pavé tactile » ou « mémoire tampon » nous dépassaient complètement.
L’informatique fait partie du programme d’enseignement au séminaire CEFE (Centre Évangélique de Formation des Enseignants) à N’Djamena. Mais faute d’appareils et d’enseignants, les cours ne peuvent être que ponctuels et la classe actuelle n’a pas encore bénéficié de cours d’informatique.
Les étudiants devraient pouvoir faire leurs expériences sur un ordinateur, connaître les bases de la technologie informatique et les notions relatives à l’utilisation des ordinateurs. En outre, ils devraient avoir une idée de ce qu’il est possible de réaliser avec un ordinateur et apprendre à utiliser un programme de traitement de texte dans ses grandes lignes. Enfin, ce premier contact devrait être une bonne expérience pour les étudiants. C’est donc avec enthousiasme que nous avons préparé le cours et que nous l’avons réalisé. Pour la plupart des étudiants, il s’agissait de leur tout premier contact avec le monde de l’informatique. Dans un premier bloc, nous avons expliqué en quoi consistait le matériel informatique et comment il fonctionnait. Dans un autre bloc, nous avons abordé le système d’exploitation : Comment démarrer les programmes ? Comment sauvegarder un document ? De quelles parties se compose le bureau ? etc. Un défi particulier pour les étudiants était la dextérité sur le clavier et le pavé tactile/souris. Dans une troisième partie, nous avons abordé un peu plus en détails un programme de traitement de texte.
L’environnement tchadien nous avait préparé quelques difficultés particulières : les appareils et le matériel ne pouvaient pas être rangés dans un endroit sûr à l’école. Nous avons donc dû garder les ordinateurs à la maison et les apporter à chaque fois. En ville, l’électricité est souvent très peu fiable, c’est pourquoi les appareils devaient tous être chargés avant le cours. Comme il n’y a pas d’écran de projection dans la salle de cours, nous avons accroché une toile au tableau noir. Pour l’accès à internet, nous avions besoin d’un modem relié directement au réseau de téléphonie mobile, car il n’y a pas d’accès ni de réseau dans les bâtiments scolaires. L’effort était donc important, mais les étudiants ont participé avec motivation et enthousiasme, ce qui a été pour nous une belle compensation. De plus, cela nous a permis d’acquérir une première expérience d’enseignement en français au Tchad.
Silvia & Hansueli F.